La machine à écrire
La machine à écrire

      Histoire de la machine à écrire

 Des origines à nos jours

 

Selon divers manuscrits et revues dont les auteurs seront mentionnés ci-après. La machine à écrire fait à ce point partie de notre environnement, qu'il ne nous paraît plus possible, aujourd'hui d'imaginer un bureau, une administration, une chambre d'étudiant sans clavier dactylographique. Qu'elle soit "portative", "standard" ou à "traitement de texte", il y a toujours une machine à écrire quelque part. Pourtant, il n'y a guère plus d'une centaine d'années que l'écriture mécanique a fait son entrée officielle dans notre vie quotidienne et son histoire est peu connue.

 

Les origines

A la question de savoir qui a inventé la machine à écrire, il est impossible de répondre. Est-ce l'Italien RAMPAZETTO qui en 1575 inventa une sorte de cliché pour aveugles ou bien l'horloger français LE ROY qui présenta à LOUIS XIV un appareil pour l'écriture? Est-ce l'ingénieur anglais HENRY MILL qui reçut en 1714 une patente pour " une machine permettant l'impression des caractères les uns après les autres, selon le choix de l'opérateur ". Rien ne permet de l'affirmer car aucun dessin, aucun vestige de ces machines n'existe. Quant aux "automates écrivains" de l'autrichien VON KNAUS (1760) et du suisse PIERRE JAQUET-DROZ (1772), ces robots ne peuvent tracer que des textes programmés et invariables. Ils ne répondent donc pas à la définition d'une machine à écrire. Cet automate se trouve au Musée de Neuchâtel.

La première preuve tangible que l'on possède de l'existence d'une machine à écrire est une série de lettres dactylographiées, datées de1801 à 1810 et écrites par la Contesse CAROLINA FANTONI. Celle-ci était devenue aveugle dans son jeune âge et un de ses amis, PELLEGRINO TURRI, noble italien et habile mécanicien, résolut de lui construire une machine lui permettant d'écrire des poèmes et de la correspondance. PELLEGRINO TURRI pourrait donc être considéré comme le père de la machine à écrire; mais, en dehors des 16 lettres conservées au Musée de REGGIO d'EMILIA, rien ne subsiste de la machine. Il est donc impossible de s'en faire une idée et d'affirmer qu'il y a une filiation entre cette invention et celles qui ont suivies.

Quoiqu'il en soit, en ce début du 19ème siècle, la machine à écrire est dans l'air sinon dans les ambitions de quelques chercheurs originaux aussi bien en Europe qu'en Amérique. Citons entre autres: Les italiens PIETRO CONTI(1823) et GIUSEPPE RAVIZZA (1855), les américains WILLIAM BURT (1831 et CHARLES THURBER (1843), l'allemand VON DRAIS (1831) inventeur de la bicyclette, les français GONOD (1827) avec sa machine à sténographier, XAVIER PROGRIN (1833) avec sa Plume typographique et PIERRE FOUCAUD (1833) avec son clavier imprimeur pour aveugles Chacun y va de son invention, de son système et si l'on en juge par la diversité et l'originalité des conceptions, on peut dire que tous contribuèrent, dans une certaine mesure, à l'avènement de la machine à écrire moderne.

1850 marque le début d'une production artisanale modeste mais significative. L'Exposition de Londres sur les Travaux Industriels de toutes les Nations en 1851 donne l'occasion, aux nombreux visiteurs, de voir des machines à écrire, notamment celle de FOUCAUD et la " Typograph" de HUGUES destinées aux aveugles. Les non voyants sont, en effet, les premiers bénéficiaires des procédés d'écriture mécanique et en font usage dans leurs écoles. Pour mémoire, le système BRAILLE date de 1834.

Citons encore quelques inventions qui vont être déterminantes dans la conception technique des machines de l'époque qui va suivre: la machine à index de PETER HOOD (1857), la machine en bois de l'autrichien PETER MITTERHOFER (1864), la "Ptérotype" de JOHN PRATT (1866 ) et la "Skrivekügel" du pasteur danois MALING-HANSEN (1870), sorte de clavier sphérique imprimant directement sur le papier.

Le célèbre physicien anglais WHEATSTONE construit cinq à six modèles de machines à écrire entre 1851 et 1860 : l'une d'entre elles préfigure la fameuse Hammond et une autre présente quelques analogies avec les machines à réglettes.

 

1873 - Le début de la production industrielle

D'aucun pourront s'étonner qu'il ait fallu attendre la fin du 19ème siècle pour voir se développer la production de machines à écrire alors que, depuis plus de cent ans déjà, des brevets avaient été déposés un peu partout dans le monde. Sans doute faut-il en chercher la raison dans le fait que, jusqu'alors, la machine n'avait pas été d'une réelle utilité si ce n'est, comme on l'a dit, pour les aveugles

D'autre part, l'idée de remplacer la plume par une machine à écrire pour écrire une lettre était encore regardée, par bien des hommes d'affaire, comme inconvenante et impolie. A la fin du siècle, le développement important du commerce, particulièrement aux Etat Unis, va réclamer des moyens de communications plus rapides et plus sophistiqués que l'écriture manuelle. L'enjeu était de construire une machine simple, facile à l'emploi et qui puisse rivaliser de vitesse avec la plume.

C'est la fabrique d'armes REMINGTON, installée à Ilion (N.Y.), qui en 1873 est chargée de fabriquer la machine conçue par les Américains SHOLES, GLIDDEN ET SOULE

Christopher Latham SHOLES, imprimeur de formation, était rédacteur au Wisconsin Enquirer. Il occupait ses loisirs à bricoler des inventions. Avec SOULE, son ami, il met au point un appareil permettant la numérotation successive de pages de registre et des billets de banque. GLIDDEN, une autre connaissance, lui suggère d'investir le bénéfice de ses recherches dans la construction d'une machine à écrire. Inspiré par un article décrivant la création récente de l'anglais John PRATT, SHOLES besogne promptement et sollicite en 1868 un premier certificat pour une petite machine efficace. Il perfectionne l'engin durant cinq ans. Sa situation ne lui permet pas d'aller de l'avant; Il vend ses brevets à la firme REMINGTON & SONS en 1873, par l'intermédiaire de DESMORE Cette machine est fixée sur une table. Un pédalier actionne le chariot. Un clavier à 4 rangées de touches en bois actionne des caractères qui frappent le cylindre portant le papier par en-dessous. L'écriture n'est donc pas directement visible.

On avait nommé cette machine "THE TYPE-WRITER". C'était la première fois que l'on utilisait ce terme qui allait, par la suite, devenir un nom commun. La première année 1'000 exemplaires furent construits bientôt suivis par 5'000 autres. A partir de 1878, d'autres modèles de plus en plus performants vont suivre et porteront désormais le nom de REMINGTON.

Les premières machines à écrire marquent plusieurs éléments comparables aux machines modernes: les leviers portant les caractères, sont actionnés par des touches. Les caractères frappent le papier maintenu en place sur un rouleau. Les lignes droites se succèdent et l'espace entre les mots reste variable selon le désir de l'opérateur. Cependant, il subsiste bien des inconvénients à ce "prototype" qui a convaincu le romancier Mark TWAIN

Entre 1875 et 1900, les brevets relatifs au perfectionnements ou à l'invention de nouvelles machines furent demandés par dizaines: en 1879, YOST, collaborateur de REMINGTON, montre une "CALLIGRAPHE", puis l'élégante "YOST"; DENSMORE lui-même quitte REMINGTON pour fonder sa propre entreprise; le fils de SHOLES s'associe à un membre de la famille Remington et fabrique la RemSho (REMingthon SHOles). Assurément, ces machines semblent efficaces et d'autres écrivains ont prêté un oeil séduit à ces instruments.

1886, le VÉLOGRAPHE est la première machine à écrire construite en SUISSE par Adolphe-Prosper D'EGGIS de Fribourg et usinée en 1887 à Genève par la maison Rymtowtt-Prince & Cie.

Une machine se compose de trois parties essentielles: le clavier, le chariot et le mécanisme d'impression. Le clavier, c'est toute une histoire ! Les premières machines ne connaissent pas la majuscule. Afin de ménager un nombre restreint de touches, on préfère placer deux caractères (parfois trois) au bout de chaque barre; un mécanisme de leviers habilite chaque touche à prendre l'une ou l'autre fonction. Dans la SMITH PREMIER, le constructeur a néanmoins opté pour un double clavier.

À la source, il existe trois catégories de claviers: double, normal, ou réduit. Les avis des dactylographes professionnels sont partagés quant à la valeur de chaque système et les vitesses atteintes en pratique courante ou en concours spéciaux n'affirment pas la supériorité de l'un ou l'autre. La généralisation du clavier simple s'explique pourtant: la duplication de la fonction de chaque touche permet d'avoir accès à un ou plusieurs signes sur un espaces de travail réduit.

Autre chose : sur les premiers modèles, lors d'une frappe un peu alerte, les barres ont tendance à s'entrecroiser ("clashing"), ce qui bloque la machine et retarde les opérations. Afin de résoudre ce problème, SHOLES cherche un arrangement scientifique des différentes clés et opte pour le clavier "QWERTY" qui, selon lui, laisse un minimum de mouvement de la main. Ce qu'il prend comme loi universelle est approprié à sa machine et complètement faux: même en anglais, la distance parcourue par les doigts peut être diminuée.… Plusieurs expériences l'ont prouvé. Trop tard ! L'habitude est prise par les dactylos, le "QWERTY" devient universel. Suivant les contingences de chaque langue, des tentatives en vue de réformer la disposition des claviers ont lieu dans différentes parties du monde. En Belgique, le "AEU" de Valley équipa certaines machines d'importation; en France, en 1907, le Navarre est élaboré suivant la régularité d'apparition des lettres, l'accentuation propre à notre langue; le "ZHJAYS" ne sera jamais adopté et même après le développement de l'industrie française de machine à écrire, un "QWERTY" ne sera pas accepté. L'"AZERTY" restera le plus utilisé.

Dans les modèles initiaux, la ligne de frappe reste illisible à l'opérateur: les caractères percutent le papier sous le rouleau. En 1898, UNDERWOOD, sur la base d'un brevet de FRANZ X. WAGNER, présente une machine à "frappe latérale" avec barres horizontales placées sur le devant de la machine. Les tiges à touches agissent par l'intermédiaire d'un levier de renvoi coudé, appelé équerre, qui transforme le déplacement vertical en mouvement horizontal et actionne la petite branche de la barre porte-caractère, ainsi projetée en avant et en haut. Ce dispositif à écriture entièrement visible est un triomphe, hâtivement copié par maints constructeurs qui modifient seulement les formes et les proportions des différents leviers. C'est la naissance authentique de la bonne vieille machine chère à Henry JAMES, à CHANDLER, à KEROUAC.

A partir de 1908, les manufactures n'ont plus construit que des modèles à écriture visible

Commercialement, la réussite de la REMINGTON 1 n'est pas immédiate. A son apparition, cette mécanique un peu snob sert à remplacer l'écriture manuelle dans la rédaction du courrier et de manuscrits divers. Vers 1880, la machine à écrire entre enfin dans la pratique administrative aux Etats-Unis. Le "businessmann" décèle avec plus de célérité les avantages des "typewriters": le document est d'une lisibilité aisée; grâce au "carbon paper" et à la feuille de papier pelure, les copies multiples sont prestement confectionnées; "times is money": une bonne dactylo que l'on rémunère peu, travaille sept à huit heures par jour et donne une production trois à quatre fois supérieure à celle d'un calligraphe. Les firmes ouvrent des écoles de dactylographie surtout fréquentées par des femmes et, à la suite d'une commande, il n'est pas rare de livrer l'opératrice avec la machine. REMINGTON organise dès 1874 l'exportation vers la Grande-Bretagne et vers l'Europe, à partir de 1883. Si l'on s'en réfère à Albert NAVARRE; "la machine à écrire n'a été pratiquement employée en France qu'après 1885" . Ce robot supplante le porte-plume, d'autre fabricants entrent sur le marché : BAR LOCK et WILLIAM en 1900, ROYAL en 1906 aux USA. Bientôt les Européens se lancent dans la construction: MERCURY en Angleterre, HALDA en Suède, et les fameuses TRIUMPH et ADLER en Allemagne; des machines Françaises originales sont construites par JAPY en 1910, la même année, la "Manufacture des Armes & Cycles de Saint-Etienne" suit avec la TYPO. En Suisse, deux constructeurs ont essayé de fabriquer une machine; Malheureusement ces modèles, peu pratiques, n'eurent pas de lendemain. Ces essais remontent aux années 1886 et 1889. "Le Vélographe" et "La Saturne".

C'est en 1914, alors que la Suisse reçevait peu de machines de l'étranger , que la fabrique PAILLARD & Cie à Sainte-Croix entreprit l'étude de la construction d'une machine. Son premier modèle fut l'HERMES Standard 1, qui ressemblait à l'UNDERWOOD Standard 5 . Ce n'est quand 1922, que l'HERMES Standard 2 , totalement différente du modèle 1, est lancée sur le marché et fabriqué en série.

La première machine Soviétique, une IANALIF, sort d'usine en 1928. L'écriture Chinoise, composée de plusieurs milliers d'idéogrammes a adapté la machine à écrire à ses besoins: l'ancêtre serait le procédé de CHOU HOU K'UM, commercialisé en 1911; plus proche des conceptions alphabétisées, la "MINGHWAI" de Lin Yutang en 1950. Au Japon, Kyota Sugimoto crée un prototype étonnant en 1913…

À part quelques négligeables exceptions, la fabrication de la machine à écrire est monopolisée dans le monde entier par les constructeurs Américains et Allemands

Toute la période qui va suivre sera pour la machine à écrire un âge d'or. Un peu partout, des constructeurs vont déployer force de moyens et d'imagination pour conquérir un marché diversifié et en pleine expansion. C'est à cette époque que l'on trouve le plus grand nombre de modèles différents tant dans leur conception que dans leur prix

Au début du 20ème siècle on trouve, sur le marché, des machines dont le clavier comporte jusqu'à 8 rangées de touches (YOST).

A la place du clavier, certaines machines possèdent un "indicateur" ou "index" de sélection. Celui-ci est linéaire (MERRITT), rond (DISKRET) ou quadrangulaire (chez MIGNON).

Les caractères d'impression sont fixés sur des "barres" (UNDERWOOD), sur "barillet" (DACTYLE), sur un "segment" (HAMMOND) ou sur un "disque" (LAMBERT). L'impression se fait par en dessous (REMINGTON), par au-dessus (SALTER), par l'avant (IDEAL), par l'arrière (NORTH) ou par les côtés (OLIVER).

L'encrage est assuré par un ruban (DENSMORE) ou par tampon (WILLIAMS). On trouve des machines rondes, carrées, pliantes (CORONA) ou, tout simplement, de la grandeur de sa poche (VIROTYP). La gamme des prix va de 1$ à plus de cent.

En 1917, des machines dites "silencieuses" sont usinées aux USA: la production de la NOISELESS de REMINGTON démarre en 1924; UNDERWOOD produit un modèle quasiment identique; plus tard, elles arrivent sur le Vieux Continent: ces machines répondent à un besoin; dans les gigantesques bureaux, ils sont parfois des centaines à dactylografier, le bruit est infernal…. La " Noiseless " souffre d'un défaut: sa frappe n'est pas d'une qualité parfaite et elle ne donne pas une honnête copie-carbone. La plus efficiente de ces taciturnes, demeure probablement la CONTINENTAL "SILENTA" (1934) qui disparaît après 1940-45. On ne peut pas tout avoir, confort et rentabilité !

À côté des machines standard, on voit naître les portables: durant la Grande Guerre, l'américaine CORONA, légère, peu encombrante car son chariot se renverse sur le clavier, rend de fiers services tant dans les tranchées alliées que dans les états-majors allemands. La REMINGTON construite en 1920, une autre de ces petites portatives, reste longtemps l'outil préféré des journalistes. Fidèles compagnes de voyage, ces portables occupent peu de place dans les bagages tout en conservant au travail les effets de leur grande sœœur. Les constructeurs ont fait preuve d'imagination et, de nos jours, dans les brocantes, il n'est pas rare de trouver dans son boîtier, une merveille de miniaturisation, comme l'HERMES BABY, inventée par PREZIOSO en 1936.

Plusieurs centaines de marques sont ainsi apparues. Certaines ont eu une existence éphémère. D'autres subsistent encore aujourd'hui.

Après 1920, les pulsions créatrices se calment et une relative uniformité s'installe. C'est le modèle de la machine à écrire standard, crée pat CH. WAGNER et lancée par UNDERWOOD en 1896 qui va s'affirmer comme modèle type à presque toutes les marques

Les machines ne se différencieront plus fondamentalement. Seuls la qualité des matériaux, le soin à la construction, la forme de la carrosserie ou la couleur seront des facteurs de concurrence. L'introduction de l'électricité se généralisera également; mais n'oublions pas que la première patente pour une machine à écrire électrique date de 1854 (DEVINCENZI).

De nos jours, la "boule" et la "marguerite" n'ont rien fait d'autre que reprendre des idées anciennes. La véritable révolution se trouve dans le "traitement de texte" de l'ordinateur ou l'on voit, réduites au maximum les manipulations. Mais, là aussi, ne serait-on pas revenu, paradoxalement, à l'"Automate écrivain" de Pierre JACQUET-DROZ avec... la technique en plus ? La question est posée.

 

Bibliographie:

Die Schreibmaschine E. MARTIN 1931.
The Writing Machine M. ADLER 1973.
Un siècle de machines à écrire de bureau 1873-1973 de J.-L. Balle et J. Goffin.
Bibliothèque royale Albert Ier Bruxelles 1993.
Concours de vacances E. Pasche 
L.M. Campiche S.A. Lausanne 1945. 
Collection of Typewriters Carl P. Dietz 
By G. Herrl.

 

TRADUCTION DU COMMENTAIRE DE MR. HOFMANN DU MUSÉE HERMAG A ZURICH, et Historique, Avantages et Descriptions de Ernest Pachebr 
L.M. Campiche S.A. à Lausanne 1945.
PèLe Mêle de L.M. Campiche S.A. Lausanne 1960.
Revue des 150 ans de Paillard S.A.
E.Paillard & Cie S.A. « Une entreprise Vaudoise de petite mécanique 1920-1945 de Laurent TISSOT.

 

 

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